Le retour à la terre
À Lyon, la céramique est une tradition. Depuis quelques années, émerge aussi une nouvelle génération d'artistes et artisans qui explorent les possibilités infinies de la matière, tout en se reconnectant à la terre. Rencontres.
Longtemps boudée, mise au ban du vaisselier, jugée vieillotte, la céramique est de retour ! Portée par une nouvelle génération de travailleurs de la terre à la recherche de simplicité, d’authenticité et de sérénité, elle incarne tout à la fois une revalorisation de l’artisanat et l’avènement d’une déco plus écoresponsable, plus slow. Une vraie rupture à l’époque de la vitesse reine.
Poterie arty
"La céramique, c’est une reconversion professionnelle. Après un burn-out, j’ai eu besoin d’une activité qui avait plus de sens", retrace Hortense Montarnal. Dans son atelier de Quincieux, la céramiste travaille aujourd’hui pour plusieurs restaurants (Prairial, La Mutinerie, Chez Pimousse…) : "À chaque fois, c’est différent. Je m’adapte à l’univers du chef, à sa sensibilité. Je crée des formes et des émaux en cohérence." Son inspiration ? "J’aime beaucoup les années 1950. Un design simple, sobre, épuré. Des objets qui ont l’air d’être faciles mais qui ne le sont pas du tout."
Même réappropriation manuelle chez Sabine Orlandini, formée en architecture avant de devenir céramiste : "J’adore l’architecture, mais beaucoup de choses se font sur ordinateur et j’aime travailler avec mes mains. Je crée toujours de manière
assez instinctive. Je fabrique mes céramiques comme si je faisais une maquette en architecture."
Ce retour au concret, à la substance, est tout aussi important chez Alice Lamarque-Foray fondatrice de l’atelier O.M.A. : "Ma démarche fondamentale est de ramasser mon matériau, de revenir au plus essentiel; de valoriser la terre, cette matière naturelle et noble à la confluence de la géologie et de l’érosion de la roche." Une histoire à la croisée des disciplines et des éléments qu’elle partage lors de ses ateliers organisés à Chasselay : "Mon projet, c’est aussi de mettre en avant le métier de
céramiste au sens large. Que les gens aiguisent leur œil. Qu’ils comprennent un peu mieux la valeur d’un objet artisanal."
De fait, la céramique incarne à elle seule un certain art de (re)vivre autrement. On retrouve dans sa délicatesse une certaine poésie du quotidien. Dans ses petites imperfections, la beauté de la singularité, et dans la toute première exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon consacrée au matériau, Par le feu la couleur, le signe que les temps changent.
Terres lyonnaises
Sur les rives de la Saône, les archéologues ont découvert pas moins de neuf ateliers de poterie antique parmi lesquels ceux de La Muette ou de Loyasse, dont certaines pièces de mobilier sont aujourd’hui visibles au musée Lugdunum. Une tradition qui anime également le marché des Tupiniers du Vieux-Lyon depuis 1986. Le mot, hérité du parler lyonnais "tupin" ou petit pot de terre, désigne le potier et se célèbre tous les ans, le deuxième week-end de septembre, sur la base d’un édit, plus ou moins avéré de Charles VIII datant de 1492 et octroyant aux tupiniers le privilège de tenir chaque année leur marché sur la place Saint-Jean.
www.tupiniers.com
Carnet d'adresses
Archi construit
Sabine Orlandini
29 montée Bonafous, Atelier de Fabrication Cumulus, Lyon 4e.
Sabine Orlandini aime à se décrire comme une « maquettiste sur terre ». On sent ses inspirations architecturales dans ce compotier à formes à l’imperfection assumée, tout à la fois sobre et graphique. 290 €
Parfaite imperfection
Anne Thomas
36 rue Sainte-Hélène, Lyon 2e.
Connue pour ses très beaux bijoux aux lignes épurées, Anne Thomas s’épanouit aussi les mains dans la terre. À son actif ? Des vases aux couleurs douces qui célèbrent l’art de la mise en forme. 60 €.
Sculptural
Blitz Bazar
4 rue Louis-Vitet, Lyon 1er.
Manon Oller multiplie les associations de formes, de couleurs, de textures. La céramique est pour elle le lieu du jeu et de l’expérimentation. Un jeu de contraste que l’on retrouve dans son œuvre : Fontaine. 310 €.
Beurre à bords
Les Créatifs
31 grande rue de la Guillotière, Lyon 7e.
Dans son atelier villeurbannais, Stéphanie Tissot travaille le grès et la porcelaine. Elle réalise des pièces décoratives mais également utilitaires : salières, presse-agrumes, entonnoirs à confiture… En grès blanc, ce beurrier à eau ou beurrier breton permet de conserver le beurre en dehors du frigo. De 39 à 45 €.
Cueillir la terre
Atelier O.M.A.
(sur rendez-vous uniquement), Chasselay.
Pour réaliser, dans son atelier de Chasselay, entre monts d’Or et Pierres dorées, ses grands vases « Bouts d’ailleurs », Alice Lamarque-Foray travaille une terre récoltée sur le terrain : « Très peu, juste ce qu’il faut, mon idée étant de ne surtout pas dénaturer un lieu en puisant trop. »
Prix sur demande.
Tout en finesse
Cica Gomez Ceramics
1 rue de l’Abbé-Rozier, Lyon 1er.
Le trio bol, plateau et coupelle Mazagran sont en porcelaine de Limoges, tournée et émaillée. « La particularité de mon tournage tient à sa finesse, ce qui amène une délicatesse pour l’œil, et des sensations inédites lorsque l’on boit dans ces , explique Cica Gomez. Bol 60 €, plateau 40 €, petite coupelle 35 €
Animal terrestre
Tia Limon
Instagram : @tia_limon_ceramique
Issu de la collection des vases Totem, voici « Queen Louise ». Dans son atelier du sud de la Bourgogne, la Lyonnaise Tia Limon, Sabine Serrad de son vrai nom, donne vie à des bestioles en céramique aussi facétieuses qu’étranges. 90 €.
De la terre à la plante
Picotti Picotta
Fan de la poésie des piques à aromates réalisés par Sarah, créatrice de la marque Picotti Picotta. Les noms de végétaux sont tatoués par impression sur la terre crue puis peints à la main à l’or fin. À partir de 8 €.